Une vingtaine d’années après la prise de possession, des textes d’Européens, colons et bagnards, installés en Nouvelle-Calédonie, commencent à paraître. Associés à la tradition orale kanak, ces documents jettent les fondements de la future littérature calédonienne. Les thèmes abordés sont essentiellement le bagne et l’éden, ainsi que le monde mélanésien. Par la suite, à la fin du XIXe siècle, viennent des plumes qui compteront dans l’histoire littéraire de Nouvelle-Calédonie.
Georges Baudoux (1870-1949) décrit sans exotisme le monde de la brousse, bien souvent avec une pointe d’humour. Arrivé en 1874 en Nouvelle-Calédonie, ce prospecteur puis écrivain publie ses premiers écrits dans les années 1920. Ses récits satiriques et réalistes connaissent un vif succès.
Jean Mariotti (1901-1975), lui, livre des romans d’analyse qui visent à connaître l’homme et le monde. Né en brousse, il quitte la Nouvelle-Calédonie en 1922 pour s’établir à Paris. Cet écrivain et homme de radio connaît le succès de son vivant et il reste un écrivain reconnu internationalement ; Chevalier de la Légion d’honneur et Chevalier des Arts et des lettres, il a été le vice-président de la Société des Gens de Lettres de France. Il est publié par de grandes maisons, Stock et Gallimard entre autres. C’est à lui qu’a été confiée la composition du Livre du Centenaire1 en 1953. Pour François Bogliolo, « son œuvre littéraire, la plus importante de la production néo-calédonienne, pourrait se résumer en deux thèmes majeurs dans lesquels le rêve ou le merveilleux ne sont jamais absents : exportation et adaptation de la civilisation occidentale aux antipodes, recherche de l’harmonie avec la nature dans le monde canaque »2. Lorsque Jean Mariotti décrit ce qu’il appelle la « cosmogonie canaque », il abolit souvent les frontières entre réel et merveilleux, livrant des pages captivantes.
Alin Laubreaux, tristement connu pour ses positions antisémites, est un auteur qui s’emploiera à dénoncer dans ses textes le système colonial. Dans Le Rocher à la voile, roman publié chez Albin Michel en 1930, il dépeint plusieurs destinées d’un point de vue qu’on pourrait qualifier d’anti-colonial.
Dans l’ensemble des textes de cette époque, un français calédonien voit le jour. Les écrits sont parsemés de mots empruntés au vocabulaire régional et des thèmes, comme la colonie, le bagne, l’éden, se mettent déjà en place.
1 Centenaire de la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France, en 1853.
2 In François BOGLIOLO, op. cit., p. 156.