Le récent rapport de Maya Bacache-Beauvallet, « Où va le management public ? Réforme de l’état et gestion de l’emploi », mis en ligne récemment par Terra nova, est intéressant à plus d’un titre pour envisager les évolutions à venir, comme les plantages annoncés, malheureusement. À l’heure où la mise en place de la RIFSEEP préoccupe bon nombre de collègues, il n’est pas inutile de se pencher sur ses prévisibles impacts, dans le contexte du new public management. Ci-dessous un court relevé de citations, un peu augmenté.
Les méthodes de gestion dans la fonction publique d’après 1945 sont aujourd’hui profondément remodelées. « Cette remise en cause des méthodes de management public est sous-tendue à la fois par une approche comptable (plus d’efficience) et par une approche gestionnaire (plus de performance). » Une crise de légitimité, qui s’explique par trois facteurs, l’augmentation de la dette publique, « la remise en cause de l’État et le soupçon qui pèse sur la loyauté supposée des fonctionnaires » (10), enfin un positionnement instable entre les instances nées de la décentralisation et l’union européenne (12).
Dans le même temps, on tente de transformer l’État en important dans le secteur public les méthode du privé. « A l’opposé de ce cadre historique, le New Public Management insiste sur la nécessité de transformer ce management bureaucratique par la hiérarchie en un management par le contrat, et vante les mérites de l’évaluation à la performance pour améliorer la motivation des (…) employés » (21).
Pourtant, l’OCDE, rappelle Maya Bacache-Beauvallet, a mis en garde dès 2009 contre les primes à la performance1. « Deux types de motivations poussent en effet les agents à fournir un effort : les motivations intrinsèques (le travail procure une satisfaction par lui-même) et les motivations extrinsèques (la compensation monétaire). On pourrait penser que ces deux motivations s’additionnent. Or les expériences semblent montrer que ces motivations sont substituables et non complémentaires. Les indicateurs de performance et les compensations monétaires qui leur sont associées peuvent en effet réduire la motivation intrinsèque, et dans certains cas la motivation globale. Autrement dit, les incitations peuvent être désincitatives si elles diminuent davantage les motivations intrinsèques qu’elles n’augmentent les motivations extrinsèques. » (25)
La chose est connue depuis longtemps, lorsque les écoles ou les crèches mettent des amendes aux parents en retard, le nombre de retards augmente, « aux yeux des usagers , l’intériorisation de la norme morale lui associe une valeur infiniment supérieure à sa monétisation sous forme d’amende. » (26)
L’incitation à la performance n’est pas sans danger, car l’agent aura tôt fait de prendre du temps avec l’usager qui améliore le plus l’indicateur, au détriment des autres. « À l’inverse, une rémunération fixe incite au contraire le fonctionnaire à traiter l’ensemble des usagers de la même manière » (28).
Pour Maya Bacache-Beauvallet, la France « semble avoir perturbé son modèle historique sans réussir à proposer une nouvelle cohérence » (33). La question de la rémunération, en particulier depuis que le point d’indice a été gelé en 2007, se pose. « L’écart entre le niveau bas de la catégorie A (les cadres) et le SMIC passe de 97% en 1982 à 47% en 2012. Le niveau bas de la catégorie B est, quant à lui, rattrapé par le SMIC alors que l’écart était de 36% en 1982. » (35)
Dans ces conditions, les agents de la fonction publique en France connaissent une profonde crise de motivation — le baromètre de satisfaction des agents est au plus bas depuis 2009 —, dont la cause n’est pas seulement liée au salaire : « A la question de savoir ce qui permettrait d’augmenter la motivation au travail, la perspective d’évolution est la première réponse pour près de 30% des répondants contre la motivation liée à la rémunération pour 3% des répondants. » (50) Le nombre important de corps dans la fonction publique constitue un frein à l’évolution de la carrière des agents, frein qu’une fusion des corps permettrait de résoudre.
Maya Bacache-Beauvallet conclut le rapport en plaidant pour que la réduction des dépenses publiques ne soit pas le seul horizon de la MAP, d’autant, relève-t-elle, que le changement peut lui-même se révéler très coûteux. « Repenser le management public ne peut se faire sans une volonté politique forte, mais également par une refonte doctrinale de la part des différents partis politiques. Pour les uns, il s’agit de reconnaître les avantages de la fonction publique de carrière à assurer l’indépendance des fonctionnaires vis à vis du monde politique et économique, et à maintenir le sens de l’intérêt public par-delà les intérêts individuels ; pour les autres il s’agit d’accepter les évolutions en cours comme la simplification et la fusion des corps, le redécoupage des frontières de l’Etat, l’abandon de certaines missions pour la reconquête d’autres. » (57)