J’ai déjà évoqué le mémoire à plusieurs reprises sur le blog. La dernière ligne droite arrive à une vitesse assez terrifiante, il faut bien l’avouer. La gestion de projet, autre exercice au sujet passionnant à faire à l’école, prend beaucoup de temps et les évaluations liées au diplôme s’accumulent. J’en viens à me dire que j’ai peut-être présumé de mes forces en m’inscrivant en master en plus ; à ce jour je ne suis pas certaine d’en voir le bout. Tant pis, c’est un bonus, pas un impératif. Pour l’heure, jusqu’à la fin de l’année, je me concentre principalement sur le mémoire, qui est à rendre pour valider la formation post-concours d’ici le 5 janvier. La semaine prochaine, j’ai cours et je rends mon appartement lyonnais, autant dire que je n’ai pas le temps de souffler encore…
Quand je publiais le billet « Le mémoire infuse« , à la fin octobre, j’étais en pleine rédaction de ce travail, alors que pourtant tout continuait à évoluer dans ma tête. Le sujet sur lequel j’écris est d’actualité, il n’est pas rare qu’un article, une journée d’étude m’amène à moduler certains paragraphes. Le 15 décembre, je me suis juré de ne plus ajouter de références sinon je ne bouclerai pas dans les délais. Revenons-en à la rédaction. Jusqu’ici, j’avais écrit de façon suivie, j’en ai parlé dans un précédent billet. Impossible cette année où mes choix d’option et de cours supplémentaires — toujours le master, occupent largement tout ce semestre. De fait, j’ai écrit de manière très fractionnée. De surcroît, plusieurs des personnes que j’ai rencontrées pour ce travail n’étaient pas disponibles quand je l’étais, l’étaient quand je ne l’étais pas. Mon dernier rendez-vous date du 27 novembre, c’est dire si j’ai fini tard les entretiens. Après chacun d’entre eux, des ajouts et des modifications à apporter, cela va sans dire. Que ne les as-tu fait, me direz-vous, avant l’été ? C’est qu’entre la fin mai où j’ai rencontré pour la première fois ma directrice pour lui soumettre mon projet et le mois d’août, j’ai effectué toutes les recherches bibliographiques, j’ai annoté une masse considérable d’articles et de documents qui me serviraient par la suite. Je n’ai eu la sensation de maîtriser les contours de mon sujet qu’à l’issue de cette période (période où j’avais cours jusqu’au 21 juin, je n’ai complètement plongé dans mon sujet qu’à ce moment-là) et j’ai commencé les entretiens à la rentrée.
Relisant le premier jet pour l’envoyer à ma directrice, j’étais assez assommée. Voilà une succession de paragraphes qui permettraient d’alimenter le blog durant un an mais qui pour l’heure manquent cruellement de liant. Dans le même temps, à la lumière de discussions avec des amis et collègues, certaines parties m’apparaissaient bancales, d’autres au contraire trop fournies, j’ai donc remanié le plan, ce que je n’avais jamais fait à un stade aussi avancé. Dire que je travaille dans l’urgence est, vous l’aurez compris, un euphémisme. Cependant, il me semble que la progression des paragraphes est maintenant plus logique. Reste à rédiger les transitions pour que le tout prenne une forme à peu près correcte. Croisons les doigts pour boucler dans les délais. La trêve des confiseurs ne sera pas propice à l’exercice mais j’aurais volontiers soumis ce travail à la relecture collaborative (voir l’excellent billet de Johanna Daniel sur cette question), pour avoir des réactions sur ma démarche. Je me contenterai donc d’un simple billet — dont l’introduction risque fort d’être plus consistante que le corps — pour la présenter.
Le titre définitif du travail, celui que j’ai fait parvenir à la scolarité, est finalement « Les modes de communication de la recherche aujourd’hui : quel rôle pour les bibliothécaires ? » Je suis consciente qu’il n’est pas très percutant mais je n’ai pas eu d’inspiration pour un titre chic et choc. La question qui sous-tend ce travail est la suivante : quels sont les impacts de l’évolution des formes de communication des chercheurs, blogs et réseaux sociaux notamment, sur le travail des bibliothécaires ? Outre la crainte de rendre un mémoire insuffisamment abouti par manque de temps, j’ai également peur de sombrer dans ce que Morozov appelle l’époqualisme, à savoir l’idée que ce qui est nouveau apportera forcément du bien : depuis le temps que je lis les blogs de chercheurs, que je suis sur twitter, ces outils m’apparaissent évidents alors qu’ils sont loin d’être adoptés par une majorité de chercheurs. Il me semble toutefois qu’à l’heure où Hypothèses comporte près de mille carnets de chercheurs, on ne doit pas ignorer ce qui fourmille.
Pour tenter de cerner cette évolution de la diffusion de la recherche, j’ai essayé tout d’abord d’en retracer très brièvement l’histoire à grands traits, pour ne pas dire à traits grossiers. La communication scientifique, fondée sur la revue et l’article depuis Henry Oldenburg, a commencé à être battue en brèche à la fin du 20e siècle : crise de la transmission, mais aussi crise de l’évaluation, cela au moment de l’émergence d’un nouvel outil accélérant considérablement les communications entre chercheurs, l’internet. Voilà qui ne se fait pas sans heurts, provoquant une sorte de querelle des anciens et des modernes (je caricature). La facilité à échanger, son instantanéité, a également provoqué un phénomène de désintermédiation, modifiant profondément le rôle de professions comme celle des bibliothécaires. Les chercheurs, eux, sont devenus très autonomes par rapport aux bibliothèques et l’on a vu en quelques dizaines d’années leurs pratiques documentaires se modifier profondément. Pour les professionnels de l’IST, qui avaient auparavant, pour résumer, des rôles de gardiens des ressources, c’est désormais plutôt d’un rôle d’accompagnement qu’il convient de parler.
En effet, la désintermédiation conduit à faire émerger de nouveaux modes de communication entre les chercheurs, qui sont de surcroît portés par de nouveaux acteurs hors des institutions. Aujourd’hui, la communication scientifique ne repose plus seulement sur l’article et sur le périodique, les actes de colloque, le livre, conservés à la BU mais aussi sur des publications d’un nouveau genre, que sont les billets de blogs, les tweets et les posts sur les réseaux sociaux. Ce processus aboutit à de nouvelles visibilités dont j’ai essayé de brosser les enjeux dans la deuxième partie. Impossible d’évoquer ces questions sans s’arrêter sur la problématique de l’identité numérique dans le contexte académique. Ensuite, j’ai dressé un panorama des médias sociaux sur lesquels s’expriment les chercheurs, rien de bien surprenant dans ces sous-parties là pour qui possède un agrégateur fourni. Il existe une tension, toutefois, dans les relations entre bibliothécaires et chercheurs sur la toile. Si ces derniers peuvent s’exprimer très librement sur les grands sujets concernant l’université et la recherche, c’est plus difficile pour les bibliothécaires qui s’expriment sous couvert d’une autorité hiérarchique. Ce dialogue, de fait, est bancal ; pensons aux non-discussions sur la licence Elsevier/Couperin. Fort heureusement, il reste des sujets sur lesquels échanger.
Que deviennent finalement les bibliothécaires au pays des carnets de recherche et des altmetrics ? C’est l’objet de la troisième et dernière partie. Au fil de ce travail me sont apparus trois grands axes, qui renouvellent les missions traditionnelles, sans pour autant les délaisser. Il s’agit comme à l’accoutumée de collecter ces nouveaux matériaux, de les redocumentariser. Du dépôt légal du web aux travaux de curation, ce sont de nouveaux profils de bibliothécaires qui émergent. Autre axe dans ce contexte, la question des autorités (diable, du catalogage ! elle n’a pas pu s’en empêcher !), qu’un bibliothécaire ne manquera pas de relier à la question de la présence numérique, pour reprendre le terme de Louise Merzeau, du chercheur. Si vous êtes toujours dubitatif, allez voir du côté d’IdHAL. Enfin, dernier axe, il s’agit comme toujours de former à la fois aux nouveaux outils, à leurs atouts comme à leurs limites, et aux enjeux de ce paysage informationnel qui se redessine dans le monde académique.
Entrer dans le labo à ciel ouvert que nous offrent les médias sociaux, repérer les pratiques, cerner leurs bénéfices et leurs risques afin de guider les jeunes chercheurs, nous avons du pain sur la planche pour demain !
Voilà synthétisé à la va-vite un mémoire rédigé en courant. Des questions, remarques, critiques ?
Aucune remarque, si ce n’est qu’il est sain de se sentir (et donc de s’être placé) dans l’urgence, car ça permet de renoncer à la perfection, ambition qui rend fou puisque l’on pourrait indéfiniment attendre, améliorer, compléter,…
Je serai assez curieux de lire le résultat.
Un cas intéressant à propos de légitimité : Xavier Guilbert, qui publie chaque année une analyse très fouillée des chiffres de ventes des bandes dessinées sur le site Du9 me racontait que les gens du sérail n’ont commencé à s’intéresser à ce travail pourtant capital que lorsqu’il a été publié sur papier.
S’il a le niveau requis, le mémoire sera en ligne, s’il ne l’a pas, je le transformerai en billets sur ce blog.
J’étais un tantinet perfectionniste avant d’entamer cette année, ça semble derrière moi 😉
C’est bien, il faut renoncer. Le mieux est l’ennemi du bien. Tout ça.
Ça a l’air absolument passionnant ! J’ai hâte d’en lire plus !
(Et courage, c’est presque la fin !)
L’exercice de synthèse réalisé pour le billet est déjà un très beau travail.
J’ai hâte de lire l’ensemble ! Bonne fin de rédaction.
Merci beaucoup !
La soutenance a lieu la semaine prochaine, je suis en pleine préparation.