Oraux de bibliothécaire

Le voici donc, ce billet qui m’a été réclamé par billet, tweet et aussi par mail ! Après j’ai le droit d’aller buller, dites ?
J’étais convoquée sur deux jours, mercredi et jeudi matins. Entre les deux, cinéma et séries les plus débiles que je puisse trouver pour ne pas trop gamberger… 
Un conseil préalable : les jurys ne sont pas les mêmes d’une année sur l’autre et l’orientation des questions peut changer du tout au tout. Les billets que nous pouvons publier de nos expériences à l’oral ne doivent donc pas trop orienter vos révisions.

  • Oral de motivation (interne)

« Comment la crise transforme l’entreprise », Dominique Wolton, Le Monde, 20.11.12. Dix minutes de commentaire, suivies de vingt minutes de questions.

Commentaire (reconstitué d’après mes brouillons, l’article est en édition abonnés, c’est dommage, car le commentaire seul ne vous aidera pas beaucoup sans lui) : après une présentation rapide du thème de l’article et de son auteur, j’ai repris pour la problématique le terme du sous-titre de l’article : dans quelle mesure la communication d’entreprise traditionnelle est-elle devenue « inaudible » ? Plan en 2 parties : la fin d’un modèle ; vers une « communication-négociation »
I – a – définition du modèle traditionnel, fondé sur une « communication-transmission », qui va du haut vers le bas (exemple d’entreprises très paternalistes au 20e s), journaux d’entreprises plus promotionnels qu’informatifs, réunions d’informations plus que d’échanges.
I – b – Mais la crise et l’évolution de la société remettent ce modèle en cause : les salariés sont très informés (ex. de Petroplus), d’où des inquiétudes légitimes de leur part. Il existe aujourd’hui une porosité entre extérieur et intérieur qui ne permet plus de maintenir les schémas traditionnels. Les dirigeants, comme les enseignants, doivent s’adresser à leurs salariés avec une présomption de compétence (voir Petite poucette de M. Serres). Si les entreprises verrouillent la communication, cela génère forcément des tensions.
Transition : ce modèle est à changer, sans pour autant tomber dans l’utopie des phalanstères qui, eux non plus, ne correspondent plus à l’époque.
II – a – Pour Wolton, il faut penser la communication comme « condition de confiance dans les rapports sociaux ». L’ancien modèle continue à faire des dégâts : les suicides à France Telecom et La Poste sont en partie imputables à une perte de confiance des salariés vis-à-vis de leurs entreprises. Il s’agit de changer de modèle, c’est-à-dire savoir glisser d’un modèle vertical vers plus d’horizontalité (exemples : groupes de travail, informer différemment via des RSE, …).
b – Il faut aussi s’appuyer sur l’intelligence créatrice en utilisant les compétences de chacun et en étant à l’écoute des équipes. Enfin, Wolton préconise de revaloriser les représentants du personnel et les syndicats en restaurant le dialogue.Tout cela dans le respect de la hiérarchie : les décisions doivent être prises à la suite de négociations, en s’appuyant sur les salariés. Elles doivent être transparentes, pour répondre à une exigence forte de la société d’aujourd’hui.

Conclusion : aujourd’hui, il est primordial de restaurer le dialogue dans l’entreprise pour limiter les risques psycho-sociaux. En termes de management, le but est de trouver le plus juste équilibre entre l’écoute des salariés et l’intérêt de l’entreprise.

Parmi les questions dont je me rappelle : les moyens de communication interne pour une bibliothèque ; donner des exemples  de blog ; Bibliobsession (je l’avais cité) est un blog de bibliothèques ou un blog personnel ; un agent est contre le changement, que faire ; à quel moment peut-on évoquer avec les agents leurs motivations et leurs envies pour leurs carrières ; les learning centres ; le projet de SGB mutualisé de l’ABES ; le développement et le financement de l’emploi étudiant, la mobilité après le concours vous pose-t-elle problème ; les qualités d’un encadrant (j’ai parlé de capacité d’écoute et d’orientations claires pour les équipes), et l’autorité ?
A deux des questions posées, je sais que les jurys avaient lu mon RAEP. Ils ne m’ont pas fait parler de mon parcours, sans doute parce qu’ils en avaient déjà connaissance.

  • Oral de culture générale (interne)

« Etat et entreprise : qui crée du bien public ? Pour des partenariats public-privé gagnants », Vincent Levita, David Martimort, Le Monde, 03.12.12 (ô joie, il y a un PPP dans mon université, je lis tout sur le sujet depuis trois ans). Dix minutes de commentaire, suivies de vingt minutes de questions.

Commentaire (reconstitué d’après mes brouillons, essayez là aussi de mettre la main sur l’article sinon ce ne sera pas très parlant) : en introduction, j’ai précisé d’emblée que le texte prenait fait et cause pour les PPP, avant de les définir. Problématique : dans quelle mesure les PPP contribueraient-ils à créer du bien public.
Plan en 2 parties : un héritage ancien qui n’a cessé de se développer ; mais un modèle remis en cause aujourd’hui.
I – Un héritage ancien, a – depuis Colbert, après les guerres dispendieuses de Louis XIV. Colbert a imaginé ce moyen pour doter la France des infrastructures qui lui faisaient défaut (ex. du canal du Midi). Bémols immédiats de ma part : au 17e s, l’économie reposait beaucoup sur la politique agricole, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Il y a certes eu de grands travaux mais c’est une époque troublée où la pauvreté était très importante.
I – b – Au 20e s, projets d’autoroutes par des sociétés privées avec des péages le temps de rentabiliser les travaux. Exemples d’hôpitaux et d’universités avec PPP. Points positifs : délais de constructions tenus et bâtiments livrés dans les temps.
II – Mais un modèle remis en cause aujourd’hui. a – Les PPP ne sont ni un modèle de privatisation, ni des nationalisations, disait le texte. Pourtant, des tensions s’exerceront forcément entre une entreprise qui cherche à générer du projet et l’Etat qui cherche à faire des économies (ce passage vous dit quelque chose ? c’est normal ! Moralité : continuez vos activités même pendant les préparations aux oraux). Si on reprend l’exemples des autoroutes, elles ne sont toujours pas gratuites aujourd’hui…
II – b – On constate un net ralentissement des PPP depuis le retour de la gauche au pouvoir et une augmentation des appels d’offres (définition d’appel d’offres et différences entre les deux). Les appels d’offres, il faut le souligner, font aussi travailler des entreprises privées.  Le texte évoque le recours aux entreprises locales dans le cadre des PPP mais on constate que ce sont souvent de très grosses entreprises qui les remportent. Il y a certes des raisons électoralistes dans cet infléchissement des recours aux PPP mais on sait désormais aussi qu’ils ne sont pas sans problèmes. Les loyers sont très chers, les réparations et les ajouts de matériels sont facturés lourdement et les établissements ont peu de liberté de manœuvre pour faire évoluer « leur » bâtiment. Les universités et les hôpitaux qui ont eu recours à des PPP récemment ont connu des déboires : locaux inutilisables pour certains. Enfin, les exemples étrangers ne sont pas rassurants, certains hôpitaux anglo-saxons sont en faillite à cause de loyers trop chers.
Conclusion : Les PPP sont sans doute importants lorsque l’Etat peine à emprunter de l’argent pour investir. Pourtant, même si la France a perdu son triple A, ses taux d’emprunt sont encore avantageux. Faut-il alors prendre le risque de ces loyers très élevés qu’imposent les PPP ?

Questions : plusieurs demandes de précisions sur les PPP en fonction de mon commentaire. Plus je répondais, plus on m’en demandait (sur les taux d’intérêt, la gestion des autoroutes, etc.). Quand je n’ai plus su, je l’ai dit et le sujet a changé, ouf…. 
Ensuite les questions ont été très professionnelles, j’ai eu comme Emilie l’impression d’un oral de motivation bis. Alors que j’avais eu un véritable oral de culture générale à conservateur externe (les hussards de la République ? Vautrin ? la crise boulangiste ? le dodécaphonisme ? etc.), cette fois je n’ai eu aucune question qui s’y rapporte un tant soit peu, pas même concernant l’actualité culturelle. Je crois pourtant savoir qu’il y avait des questions de ce type aux oraux il y a deux ans. Voilà quelque chose qui a été un peu déstabilisant mais, consciente que j’étais de ma chance d’être à l’oral, j’aurais répondu à tout, même si m’avait demandé si l’arbre dehors était un arbre de Judée ou un lagerstroemia (rien à voir avec le concours mais, si vous êtes expert en la matière, d’ailleurs, j’ai besoin de vos lumières) !
Lesdites questions se sont centrées sur les conseils de l’université ; les droits et les devoirs du fonctionnaire ; les services aux chercheurs ; les domaines de compétences de l’Union européenne ;  les échanges type Erasmus et les harmonisations LMD dans le cadre européen. Une question portait sur le tribunal administratif, les étapes d’une affaire renvoyée en appel, voire en conseil d’état. 
***

En papotant avec les candidats, nous avons constaté que nous avions souvent les mêmes questions, sans doute pour que le jury puisse véritablement nous comparer.

Une astuce : faire des plans bateau ! En trente minutes de préparation, pas le temps de finasser. Je fais toujours ultra simple mais je veille par contre à bien souligner la problématique et l’annonce du plan en introduction, puis à signaler que je passe à la 2e partie quand j’y arrive. Même chose pour la conclusion. En général, je vois le jury prendre des notes consciencieusement dans ces moments-là : au énième candidat, les jurys sont contents quand ils n’ont pas à se creuser pour savoir où vous en êtes de votre exposé.

C’est un bref aperçu des épreuves qui n’est peut-être pas très parlant. Les oraux sont d’abord une conversation, certes formelle, avec une introduction par le candidat un peu longue, mais une conversation quand même : le jury oriente ses questions en fonction de votre commentaire (donc pas de références pour faire bien que vous ne saurez pas développer ensuite !), puis ses autres demandes en fonctions de vos réponses successives.

Le jury cherche systématiquement à savoir jusqu’où le candidat peut aller : j’ai eu des questions auxquelles je ne savais pas répondre dans tous les oraux que j’ai passés. Il s’agit de voir comment le candidat se débrouille pour ne pas répondre à la question, s’il se déstabilise ou pas. Ce n’est qu’un moyen de vérifier qu’une fois cadre on ne s’effondrera pas devant une demande difficile.

Les jurys des concours de bibliothèques sont parfois impressionnants mais je les ai toujours trouvés bienveillants. Les procès qui leur sont parfois faits me semblent un peu injustes. Si vous avez passé comme moi les oraux du CAPES, vous saurez de quoi je parle en matière de jurys terrifiants !

Que dire de plus ? Qu’il faut garder confiance en soi, tout le temps. Plus facile à dire qu’à faire, j’en conviens… Et puis il y a une part de chance dans tous les concours. Si j’avais eu des questions sur les facteurs d’impact des revues scientifiques comme Emilie, j’aurais été bien en peine d’y répondre…

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