J’avais retardé la publication de ce billet, écrit il y a déjà quelques mois. Depuis, il y a eu la migration catastrophique de Delicious et la nouvelle version décevante de Google reader. Et aujourd’hui, une discussion sur twitter me fait le mettre en ligne. Que de temps perdu en formation à présenter les deux outils ci-dessus, qui ne correspondent maintenant plus à nos besoins ! Non contents de rendre nos stagiaires dépendants d’outils désormais obsolètes, nous ne leur avons pas permis de se familiariser avec le web et de choisir leurs propres outils en fonction de leurs préférences et de leurs besoins.
Une précision au préalable : je tiens à dire que je ne me considère pas de ceux qui sont suffisamment à l’aise avec le web : je connais le web 2.0 et quelques astuces sur les navigateurs mais, que la situation se complique et je reste totalement désemparée devant l’écran.
Au fur et à mesure des formations que j’ai pu faire (ateliers pour l’ABF, mais c’était avant de me plonger dans la préparation des concours) et que je fais encore (au travail, pour mes collègues et pour les étudiants), une question a fini par s’imposer : est-ce qu’à privilégier une approche techniciste de l’internet, nous ne faisons pas fausse route ? Je ne parle pas ici de la distinction entre outils et objectifs, qui commence enfin à être posée au début de certaines formations : rien ne sert de se précipiter sur un outil sans savoir vers quel but on veut tendre.
Mon propos se situe encore en amont de ce questionnement. En formation, on se rend compte que lorsqu’on veut faire créer un compte à des stagiaires pour présenter ensuite un outil, très peu connaissent les captchas, tandis que quelques-uns ont encore du mal à écrire leur adresse mail, n’en comprenant pas la construction.
Mon propos se situe encore en amont de ce questionnement. En formation, on se rend compte que lorsqu’on veut faire créer un compte à des stagiaires pour présenter ensuite un outil, très peu connaissent les captchas, tandis que quelques-uns ont encore du mal à écrire leur adresse mail, n’en comprenant pas la construction.
Dans ce cadre, le format du stage pose question. On dispense des formations très ciblées de quelques heures, voire quelques jours, avec de beaux powerpoints, puis plus rien : tout le monde retourne à ses notices… Or a-t-on déjà vu des chirurgiens apprendre leur métier sur diaporama ? (Je tire la comparaison de l’unique newsletter de Nicolas Morin, un des textes les plus percutants que j’ai lu sur les bibliothèques depuis que j’ai commencé à travailler.)
Il me semble qu’on ne forme qu’à quelques aspects minimes du numérique quand il faudrait immerger dans une culture du net. En effet, cette déferlante qu’est l’internet ne va pas de soi pour tous.
Je vois de jeunes collègues s’offusquer que tel ou tel plus ancien ne connaisse pas une astuce sur un navigateur. Mais qui aura pris le temps de leur montrer seulement le fonctionnement du navigateur ? Ils se sont trop formés sur le tas, dans l’urgence des tâches à accomplir. Il ne nous sert à rien de nous indigner contre le niveau, à nous qui manions les flux rss découverts pendant nos études, alors qu’il y a fort à parier que nous serons old style dans pas si longtemps avec nos Netvibes démodés…
Former à des outils reste indispensable, l’utilisation que nous en faisons dans notre travail nous l’impose. Il me semble pourtant que cette approche est trop restrictive. On ne passe pas de vingt siècles de papier à l’écran en un claquement de doigts. Cela, pourtant, les générations d’étudiants que nous accueillons nous y obligent. On dit souvent d’eux qu’ils ne savent pas chercher. Cela est vrai pour une part, ils ignorent tout du web invisible par exemple. Je crois aussi malheureusement que nous convaincre de leur absence de maîtrise du net nous rassure.
Les étudiants ne savent évidemment pas tout mais, nés qu’ils sont avec l’internet, ils y nagent à leur aise. Malgré nos difficultés à appréhender la toile, il nous revient pourtant de les guider. Nos ressources électroniques, l’offre pléthorique sur le web, aussi précieuse que foisonnante, nous y contraignent. Pourtant, comment promouvoir les nouveaux outils quand soi-même on est très fragile dans ce domaine ? Les enseignants savent bien qu’un élève décèle dans l’instant qu’on ne maîtrise pas un sujet.
Ma question, sans aucun embryon de réponse concrète à l’heure actuelle, est la suivante : comment procéder à une acculturation des bibliothécaires au numérique ? Il m’apparaît urgent d’y répondre, l’époque nous imposant de nous situer dans ce paysage de l’information qui se redessine.
Tu as appris le RSS à l’école mais aujourd’hui tu es sur twitter, Facebook qui n’existaient pas à ce moment là, parce que tu te rends compte des avantages que ça peut représenter dans ton activité, tout comme ceux qui ont bossé pendant 15 ans en CDU se mettent à apprendre la Dewey parce qu’ils en voient l’impact sur leur quotidien, mais se foutent comme de l’an 40 des outils web.
Une anecdote, la seule personne que je n’ai jamais « formée » (bien grand mot pour si peu de choses) au RSS est une copine à qui j’ai montré comment utiliser google reader pour voir en un seul endroit les blogs photos des bébés des copines et les blogs décos qu’elle avait l’habitude de suivre. C’est à mon avis un angle d’approche plus vendeur que « la veille ». À côté de ça, sur la 30aine d’étudiants en Licence pro Bib que j’ai vu passés et à qui j’ai demandé s’ils utilisaient RSS, il doit y en avoir 2 qui m’ont dit oui et le reste qui a baissé les yeux, donc pas convaincu que le renouveau générationnel change la donne.
Tout ça pour dire que je n’ai pas de réponse à ta question finale et que je commence de plus en plus à me demander s’il y a vraiment une solution …
Mais ta mention des jeunes qui ne comprennent pas que les anciens ne connaissent pas les raccourcis m’incite à proposer un sujet de formation interne du type « Trucs & astuces informatiques » en plusieurs sessions et avec des cas concrets, à creuser.
Peut-être qu’en prenant l’approche petits chats et blogs déco, les formations passeraient mieux 😉
Sinon, pour les formations « Trucs et astuces », Lully, avec qui j’avais un peu parlé de ce billet avait l’idée d’un mail régulier (mais pas trop fréquent non plus) avec une astuce et/ou un nouveau site chaque fois.
Excellent article et tout à fait d’accord avec le constat. Quelques pistes pour avancer : formation sur le tas des collègues au fur et à mesure qu’un besoin réel apparaît, partir de leurs intérêts personnels qu’ils pourront ensuite transférer sur une problématique professionnelle, je me rappelle de formations à la veille informationnelle que j’ai réalisée pour des assistantes et des secrétaires, je suis partie sur l’aide aux exposés pour leurs enfants, la recherche de lieux de vacances, etc. et elles sont passées très rapidement à l’intérêt dans leur travail de secrétaire. Mais ensuite, il faut pratiquer, pousser, etc. Autre idée : le rôle des responsable comme aiguillon à continuer à mettre en oeuvre et là ce n’est pas gagné s’ils ne sont pas eux-mêmes des pratiquant.
Merci Joëlle ! Partir des centres d’intérêt personnel, je n’aurais pas osé mais c’est une excellente idée 🙂