Publié dans Outil web 2.0 en bibliothèque, dirigé par J. Sauteron et F. Queyraud. Paris : ABF, 2008
La bibliothèque hybride a pour but d’offrir à ses usagers des espaces d’échanges, qu’ils se trouvent dans la bibliothèque physique ou sur Internet, de concourir à créer des communautés, virtuelles ou pas, et surtout de rendre l’utilisateur participant, voire même acteur de son établissement. La bibliothèque hybride accueille donc des utilisacteurs1 et elle intègre leurs contributions au travail des professionnels. Pour ce faire, elle a fréquemment recours aux technologies du web 2.0, qui sont notamment axées sur les services, et elle prend de fait souvent le nom de bibliothèque 2.0. Portails personnalisables, blogs et autres plateformes d’échanges sont donc largement utilisés dans les bibliothèques dites 2.0.
La bibliothèque hybride s’intéresse également aux grandes évolutions de l’Internet et de ses usages et particulièrement aux perspectives offertes par le web sémantique, encore appelé web de données
2. Il lui donne les moyens d’identifier chaque donnée : ainsi, intégrer les contributions des usagers, créer des liens vers des ressources extérieures ne constituent plus d’obstacles dans la mesure où tout élément possède une « plaque d’immatriculation » qui sert à l’identifier instamment. Le web sémantique permet à la bibliothèque hybride de résoudre le problème de la validation de l’information. L’avantage de cette technologie du point de vue d’un hybride est ainsi d’inviter chacun à prendre part à la constitution de la bibliothèque, chacun selon son niveau. De cette façon, la bibliothèque hybride pourra satisfaire tous les lecteurs, de celui qui a besoin d’une rigueur scientifique dans sa recherche de l’information à celui qui souhaite trouver d’autres avis de lecteurs sur un document donné. Ces deux pratiques n’étant pas incompatibles, la bibliothèque hybride a donc des lecteurs hybrides, à la fois bénéficiaires du service et contributeurs.
Le web sémantique aidera surtout la bibliothèque hybride à s’affranchir de certaines contraintes. Si chaque donnée est identifiée, il ne s’agira plus que de créer des liens entre elles. Si de nombreux « propriétaires » de données participent à l’aventure, le bibliothécaire hybride pourra devenir à terme une sorte de cordelier, qui tisse et relie tous ces éléments entre eux. Avec des réservoirs aussi vastes que ceux de DBpedia et Geonames, cela peut ouvrir des possibilités infinies. Sur la gigantesque toile du web, le bibliothécaire hybride deviendrait alors une petite main qui n’aurait de cesse que de créer des chemins pour ses usagers, des chemins qui les conduiraient tant sur la toile que dans la bibliothèque physique
3.
En effet, la bibliothèque hybride est aussi un établissement de proximité, tout en étant visible sur Internet depuis Bali ou Nouméa. Pour ce faire, les permaliens n’ont plus de secrets pour elles (ou ne devraient plus en avoir) et les données rendues enfin accessibles sont indexables par les moteurs de recherches
4. La bibliothèque hybride est à la fois la bibliothèque physique, l’établissement dans lequel se trouve la collection, mais aussi la bibliothèque impalpable, toutes ces ressources innombrables auxquelles le numérique peut donner accès
5.
Et ce bibliothécaire hybride alors, que fait-il d’autre hormis tisser des liens ? Le bibliothécaire hybride n’est plus un préposé derrière une banque de prêt, il est un agent qui se déplace dans les locaux, à la rencontre des usagers. Ce n’est plus le public qui vient au bibliothécaire mais le bibliothécaire qui vient au public. Pour cela, il est déchargé de certaines tâches internes (le catalogage ayant échu à des agences bibliographiques, il se contente la plupart du temps de localiser les ressources qui lui sont propres, ne créant plus que les quelques notices qui n’existent pas encore). Le travail collaboratif avec ses collègues des réseaux des bibliothèques avoisinantes n’a plus de secret pour lui, il ne pense pas « Je » mais « Nous ». Il veille, trie et met en avant des informations en direction d’une communauté entière. Enfin, le bibliothécaire hybride est un metteur en scène : il se déplace fréquemment dans les collections pour les mettre en espaces au gré des animations qui ont lieu dans son établissement. Il déplace même parfois les collections pour laisser place aux usagers qui viennent profiter de ces ressources pérennes et pourtant changeantes.
Le bibliothécaire hybride est, finalement, l’hôte de tous ces gens qui viennent échanger
6. Il s’attache à ce qu’ils se trouvent bien, à devancer leurs besoins mais aussi à les surprendre. Il est hybride dans le sens où il s’intéresse à tous les supports de documents, du vélin au pixel et où il n’a de cesse que de créer des accès vers ces différentes ressources pour ses usagers ; il est encore hybride quand il pense aux publics et non plus au public. Il est hybride, enfin, dans sa permanence à défendre une constance dans le service au public tout en essayant d’anticiper les tendances qui seront celles de ses usagers de demain. Il est autant vigie que mousse sur le navire, à la fois en train de veiller et d’accomplir des besognes contingentes.
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1Utilisacteur : le terme est recensé dès 2004.
On le retrouve également sur le blog Les petites cases de Gautier Poupeau.
2Touitou, Cécile, « Compte-rendu synthétique de la journée sur le web sémantique » (Paris, 27 juin 2008)
3La façon d’appréhender l’information change dans la bibliothèque hybride. Elle n’est plus droite mais courbe.
Briys, Eric et Nock, Richard, « « S’il vous plaît, dessine moi une bibliothèque« : de la bibliothèque euclidienne à la bibliothèque numérique ».
4Dujol, Lionel, « URL est la copine de ma notice », La Bibliothèque apprivoisée
5Lahary Dominique, « Les deux jambes de la bibliothèque », DLog
6La notion d’ « animateur de communauté », développée par les « Geemiks » de l’ESC Lille, définit ainsi ce rôle : il s’agit de « motiv[er] ses membres à être acteur dans la création de connaissance, dans le partage et la sélection d’informations ».