Bibliofiction

Petite rêverie…

Cet après-midi, je suis allée au salon culturel. J’adore cet espace un peu désuet qui a ouvert ses portes au début de l’année. J’y vais de plus en plus souvent pour lire, regarder un film, papoter ou même faire une sieste. Dans notre monde électronique, où chacun passe de plus en plus de temps devant son écran, le salon culturel est un lieu de rencontres précieux.

Le salon culturel se compose de plusieurs espaces. On pénètre d’abord dans un vaste vestibule où on peut voir les nouveautés du mois. Les bandes-annonce concernant les documents sont projetées sur des écrans mais l’originalité du salon est de continuer à proposer des livres papier, des disques vinyle.

Du vestibule, on peut accéder à la salle de travail, qui rappelle les salles des bibliothèques de mon enfance. S’y trouvent de nombreuses ressources en ligne et quelques manuels papier pour les amoureux de la cellulose. Beaucoup d’étudiants y viennent. Bien qu’ils puissent accéder aux ressources en ligne n’importe où sur terre, ils aiment venir mettre en commun leurs expériences et échanger. Ils profitent en plus des conseils méthodologiques du personnel, qui se tient à leur disposition.

Pour ma part, mes études sont terminées depuis longtemps et je pénètre au salon proprement dit. Larges sofas, fauteuils confortables sont disposés dans cette pièce tapissée par les rayonnages de livres. Une exposition y est actuellement présentée, il s’agit de sculptures océaniennes. Mon regard se perd entre les statues puis je me dirige vers une borne de renseignements. La statue qui m’a le plus captivée, « L’homme-lézard », a donné lieu à un roman éponyme, dans les années 1990. Je le cherche sur les étagères et je pars m’installer dans un fauteuil pourpre, après avoir commandé un thé au bar.

Après quelques chapitres, je m’aperçois que l’après-midi est déjà avancée. Je prends quand même le temps de regarder les signets sur l’expo et je découvre un site magnifique sur le Centre culturel Tjibaou, qui a longtemps accueilli ces collections. Je le mets aussitôt dans mes propres signets. Décidément, ce roman me captive et, plutôt que de le télécharger, il me prend envie de l’acheter. En reposant celui que j’ai lu sur la travée, j’en prends un autre, protégé par un film plastique et je le fourre dans mon sac.

Alors que je m’apprête à partir, je rencontre un ami et nous asseyons dans l’espace parleur, en référence à ces antiques salles fumeurs, pour deviser un peu. Il me parle de photos magnifiques d’un photographe girondin du XIXe siècle, Atget. Renseignement pris à la borne, il existe un livre (attention, poids supérieur à 700 g., précise la machine !) paru au XXe siècle. Nous le cherchons tous deux et je me décide à l’emprunter. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut avoir dans les doigts des merveilles du siècle dernier. Mon ami, lui, se décide pour un livre d’art sur Princeteau. Je me moque un peu de lui parce qu’il me semble que l’exposition virtuelle est moins lourde à transporter mais il me rétorque qu’il adore l’odeur des encres des livres d’art. Et puis ça ne l’empêche pas de la télécharger quand même, ajoute-t-il.

Un employé s’approche de nous, nous demandant si nous avons besoin de quelque chose. Nous lui répondons que non. Avisant le gros volume sur Princeteau, il nous explique que son oeuvre a été redécouverte grâce à la passion d’un conservateur du musée des Beaux-Arts de Libourne, au début du siècle. Il nous parle longuement de la passion pour les chevaux de ce peintre ami de Toulouse-Lautrec, avant de nous quitter en nous souhaitant une bonne lecture. Je crois que c’est cela qui a fait le succès du salon culturel, son personnel est capable de discourir des xml aussi bien que de la civilisation sumer ! Tous sont toujours très disponibles et leur conversation est un régal, qui renoue avec la pratique du salon du XVIIe siècle.

Une fois dans la rue, mon smartphone vibre. Il me signale simplement que mon emprunt a été enregistré et que le prix du roman est débité de mon compte.