Le sobriquet « vieille bibliothécaire » me rappelle une anecdote. Quand j’étais enfant, alors que je passais des vacances au village de ma grand-mère, je croisais parfois une dame déjà âgée dont ma mère m’avait dit qu’elle travaillait à la Bn. Déjà, à l’époque, j’étais déconcertée par la Bibliothécaire qui avait accès dans mon esprit à des milliers de merveilles. Je me demande aujourd’hui de quelle teneur je me représentais lesdites merveilles : collection complète des six compagnons ? volume de la comtesse de Ségur ? Jules Verne ? Qu’importe. La bibliothécaire était pour moi une sorte de gardien de trésor. Le personnage accentuait sans doute ce que j’y projetais. Petite et boulotte, la bibliothécaire était toujours vécue de couleurs ternes, entre le beige et le marron. Et, à l’heure où le collant était de mise, elle portait des bas de nylon qui ne couvraient que les deux tiers de ses mollets épais (1). Curieux personnage en vérité. Très vive, elle avait toujours l’air affairé, ce qui ne m’étonnait guère puisque je l’imaginais en démiurge, élaborant une pensée unique à partir de toutes ses lectures. Je ne la vois plus à l’heure actuelle, lors de mes séjours au village, alors même que je nourris le dessein de l’aborder pour parler bibliothèque. Est-elle encore en vie ? Végète-t-elle au fond de ces tristes lieux que sont les maisons de retraite ? Peut-être cette absence entretient-elle le mythe que je me suis fait du personnage. Et je lui dois sans doute un peu du fait d’avoir entrepris ces études aujourd’hui…
À suivre…
(1) Mais pas de chignon, ni de lunettes !